Le grand péril de la voiture électrique
Contrairement à ce qui était souvent évoqué il y a à peine cinq ans, la croissance fulgurante du marché de la voiture électrique fait aujourd’hui l’unanimité – ou presque. En 2010, Jonathan Welsh écrivait dans le Wall Street Journal ATTENTION - Ce lien ouvrira dans un nouvel onglet. que ce marché était souvent perçu comme « une niche étrange, populaire auprès d’une poignée d’adeptes enthousiastes, dont l’adoption risquait de n’être ni rapide, ni d’atteindre une masse critique publique ».
Ces interventions dissonantes se font de plus en plus rares, et si elles proviennent de sources crédibles, force est d’admettre que les arguments avancés sont, pour le moins, assez peu convaincants. La chute vertigineuse du prix des batteries – certains détaillants chinois prévoyant réduire leurs prix ATTENTION - Ce lien ouvrira dans un nouvel onglet. de 30 à 40 % en 2017 seulement – rend le marché du stockage électrique très concurrentiel. L’usine baptisée « Gigafactory », projet conjoint de Tesla et Panasonic, a ouvert ses portes en grande pompe fin 2016 au Nevada, et contribuera également à produire d’importantes économies d’échelle.
Alors que les ventes globales ont crû de 500 % depuis 2012, l’automobile électrique est en train de se tailler une place importante dans le domaine de la mobilité urbaine. Et cette croissance est loin d’avoir atteint son plein potentiel. En Norvège, par exemple, où l’État a fortement encouragé les citoyens à faire le saut vers les véhicules électriques, ces voitures représentent maintenant plus de 2 % du parc automobile. Et en 2015, le quart des véhicules neufs vendus en Norvège ATTENTION - Ce lien ouvrira dans un nouvel onglet. étaient électriques. Sur le plan mondial, cette proportion se situe déjà à plus de 1 %.
La revue Vox s’est intéressée au taux de croissance de ce type de voitures et à son incidence sur les marchés du pétrole, de l’automobile et de l’énergie. Bien qu’il soit excessivement difficile de prédire avec exactitude le niveau de pénétration de cette technologie, la question n’est désormais plus de savoir si l’électrique s’installera, mais quand. Dans son rapport annuel, le BP 2017 Energy Outlook ATTENTION - Ce lien ouvrira dans un nouvel onglet., la pétrolière anglaise estime que les véhicules électriques représenteront 6 % du marché mondial d’ici 2035. D’autres, comme Bloomberg ATTENTION - Ce lien ouvrira dans un nouvel onglet., prédisent plutôt un incroyable 35 % du marché mondial d’ici 2040.
Peu importe le scénario, un déplacement de quelques points de pourcentage seulement aura pour effet de diminuer fortement la demande globale de pétrole. Ce changement rendra certains gisements, – dont une partie importante des gisements canadiens – déficitaires, et donc, inexploitables. Contrairement à la théorie du « pic pétrolier », on assisterait plutôt à un choc de la demande qui éliminerait une partie de l’exploitation pétrolière.
Même son de cloche du côté des manufacturiers automobiles, dont certains tirent définitivement de l’arrière sur le plan du développement des technologies nécessaires au rechargement, à la propulsion et à la sécurité des véhicules électriques. Aux États-Unis, GM semble avoir pris le pas sur Tesla avec le lancement, en 2016, de la Chevrolet Bolt ATTENTION - Ce lien ouvrira dans un nouvel onglet.. Alors que la Tesla Modèle 3 ATTENTION - Ce lien ouvrira dans un nouvel onglet. tarde à arriver sur le marché, la Bolt pourrait très bien devenir la voiture électrique la plus vendue de l’année 2017. Les autres fabricants américains, mais surtout les constructeurs allemands et japonais (qui ont beaucoup misé sur l’hybride et les piles à combustible ATTENTION - Ce lien ouvrira dans un nouvel onglet.), risquent d’être complètement déclassés si l’engouement se poursuit.
Bien que cette transition semble affecter de nombreuses entreprises et de vastes pans de l’économie industrielle (pensons, notamment, aux fabricants de pièces…), ce sont les entreprises du secteur de l’énergie qui risquent de compter le plus de gagnants et de perdants à grande échelle. Des entreprises publiques et parapubliques comme Hydro-Québec sont très bien positionnées pour accompagner cette « révolution électrique ».
Si le marché des véhicules électriques s’est transformé de fond en comble depuis cinq ans, ces changements ont été imperceptibles aux yeux des économistes qui s’intéressent aux transitions macroéconomiques majeures et aux investisseurs qui préfèrent des valeurs sûres. Il y a fort à parier que si les taux de croissance observés se maintiennent encore quelques années, la voiture électrique continuera de faire couler de l’encre et deviendra aussi une source d’investissement prisée, tant en raison de son apport à l’avènement d’un monde plus écoénergétique et durable que de sa stricte performance financière.