L’endettement pose encore problème
Malgré des améliorations notables dans certains pays et dans certains secteurs, le problème de l’endettement demeure entier à l’échelle mondiale et constitue un risque important pour la croissance économique. Ce risque est d’autant plus élevé que la récente tendance haussière des taux d’intérêt pourrait mettre de la pression sur les emprunteurs.
L’endettement mondial affiche un nouveau record
Selon les données compilées par la Banque des règlements internationaux, l’endettement mondial cumulatif des ménages, des gouvernements et des entreprises autres que financières affiche un nouveau record avoisinant 250 % du PIB (graphique 1). Sans surprise, les pays avancés demeurent les plus endettés, à près de 280 % du PIB en moyenne. Les pays émergents se démarquent néanmoins par une accélération plus prononcée de leur endettement au cours des dernières années.
Lorsqu’on analyse les données par catégorie d’emprunteurs, on constate que l’endettement dans les pays avancés a fortement progressé du côté des gouvernements, alors que la dette des ménages et des entreprises a, en moyenne, légèrement diminué depuis 2008. La situation diffère dans les pays émergents, où c’est surtout la dette des entreprises qui a augmenté.
La situation des ménages ne s’est pas améliorée partout
Avant la crise financière de 2008–2009, le taux d’endettement des ménages américains étaient de près de 100 % du PIB; il se situe maintenant à moins de 80 %. Cette tendance à la baisse a été observée dans d’autres pays avancés, mais dans certains cas, c’est exactement l’inverse qui s’est produit.
Par exemple, le taux d’endettement des ménages au Canada, en Norvège et en Nouvelle-Zélande s’apparente maintenant à ce qu’il était aux États-Unis avant la crise de 2008–2009. En Australie et en Suisse, on observe des niveaux encore plus élevés, et la tendance ne semble pas vouloir se renverser. Les ménages du Danemark et des Pays-Bas affichent aussi un endettement très élevé, mais la tendance est à la baisse depuis quelques années.
La Chine rattrape les pays avancés
La Chine apparaît comme un cas spécial sur le plan de l’endettement. La somme des dettes chinoises avoisine 255 % du PIB du pays, ce qui est nettement plus que les autres principaux pays émergents et très près de la moyenne des pays avancés. En fait, il s’agit d’un taux d’endettement légèrement supérieur à celui des États-Unis (253 % du PIB), mais inférieur à celui qu’affiche la zone euro (271 %).
Comme c’est le cas dans plusieurs pays émergents, la croissance de la dette en Chine provient essentiellement du secteur des entreprises et devance même les pays du G7 à ce chapitre. Si l’on ajoute l’endettement des ménages, la Chine est tout juste dépassée par le Canada, dont le secteur privé trône au sommet de l’endettement parmi tous les pays du G7 (graphique 2).
Plus exposés aux chocs adverses
Un endettement élevé ne peut produire à lui seul une crise financière et une récession, mais cela rend certainement l’économie plus sensible aux chocs adverses. Les bas taux d’intérêt des dernières années ont probablement contribué à encourager l’augmentation des dettes sans qu’il y ait une hausse significative des risques de défaut. Néanmoins, on peut maintenant s’inquiéter de la nouvelle tendance haussière des taux obligataires un peu partout dans le monde. Si ce rebond devait prendre trop d’ampleur, les emprunteurs pourraient être nombreux à se retrouver sous pression.
Outre les taux d’intérêt, un choc pourrait provenir d’une baisse des prix de l’immobilier ou des revenus. Une remontée possible du protectionnisme aux États-Unis pourrait aussi être l’élément déclencheur d’un nouveau ralentissement économique mondial, lequel serait accentué par les taux élevés d’endettement.
Plus difficile d’intervenir sur le plan monétaire et budgétaire
Lors de la crise de 2008–2009, de nombreux gouvernements avaient répondu au ralentissement de la demande par d’importants programmes de relance. Aujourd’hui, si une nouvelle crise se produisait, la capacité de plusieurs gouvernements à hausser leurs dépenses apparaît beaucoup plus limitée, en raison de leur endettement déjà élevé.
Le même constat d’impuissance menacerait plusieurs banques centrales, ce qui exposerait l’économie à une plus forte contraction advenant une nouvelle crise. En effet, peu de banques centrales disposent actuellement d’une marge de manœuvre assez grande pour abaisser leurs taux directeurs. On pourrait encore envisager de recourir à des politiques d’achat massif d’actifs, mais la marge de manœuvre a aussi fondu de ce côté. Sans compter qu’il est très difficile de stimuler le crédit lorsque l’endettement est déjà très élevé. Au mieux, les banques centrales pourraient essayer de gagner du temps en maintenant les taux d’intérêt bas, y compris ceux à long terme. Dans un autre ordre d’idée, la création monétaire directe, communément appelée « l’hélicoptère monétaire », pourrait être plus sérieusement envisagée, surtout si le risque de déflation augmente. Dettes élevées et déflation ne font pas bon ménage.
À long terme, la solution résiderait néanmoins dans une véritable réduction de l’endettement. Dans un monde idéal, cette réduction devrait se faire très graduellement pour minimiser d’éventuels effets négatifs sur la croissance économique. Autrement dit, il n'y a rien de simple lorsqu’il est question d’endettement, et on peut souvent avoir l’impression de marcher sur un fil de fer.