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Gérer le risque pour éviter le désastre

D’entrée de jeu, je vous propose le pari suivant :

Je lance une pièce de monnaie une seule fois. Si vous tirez pile, vous remportez 100 $, mais si vous tirez face, vous perdez 100 $.

Accepteriez-vous d’y participer ?

Selon le concept d’aversion aux pertes, il y a de fortes chances que vous refusiez cette proposition. En effet, selon les psychologues Daniel Kahneman et Amos Tversky, la douleur émotionnelle ressentie par une perte financière est plus importante que la satisfaction tirée d’un profit similaire. Voilà pourquoi une personne exigera un gain potentiel au moins deux fois plus élevé que la perte pour accepter de se prêter au jeu.

Comme vous vous en doutez sûrement, à la Bourse, ce constat explique notre difficulté à fermer une transaction perdante. Un négociateur actif reconnaîtra l’importance de couper ses pertes, mais son ego l’empêchera d’agir dans son propre intérêt. Que ce soit pour son désir d’avoir raison, son besoin de contrôle ou son impression qu’il est supérieur à la moyenne, il aura tendance à conserver un investissement non profitable, et ce, malgré les faits et les arguments justifiant sa vente. À cet égard, une analyse de l’activité boursière de 8 000 comptes d’une firme de courtage à commissions réduites menée par Jason Zweig, journaliste au Wall Street Journal, révèle que 21,5 % des clients n’ont jamais vendu une action qui a baissé sous son prix d’entrée !

Dans la même ligne de pensée, par crainte de voir disparaître un gain théorique, le négociateur actif aura tendance à prendre son profit plus rapidement pour les titres gagnants. Par exemple, en utilisant une méthodologie similaire à celle décrite précédemment, Terrance Odean, professeur de finance renommé, a constaté que les actions profitables qui ont été vendues par les clients ont affiché l’année suivante un rendement moyen excédentaire de 3,4 % comparativement à celui enregistré par les titres non rentables et encore détenus en portefeuille.

En conséquence, il est primordial de gérer le risque tout en maximisant le rendement. Pour ce faire, je suggère d’utiliser un ordre de vente stop pour chacune des transactions. Par exemple, j’achète l’action XYZ à 10 $ et, par la suite, je place un ordre de vente stop à 9 $. Si le cours de l’action glisse sous la barre des 9 $, le placement sera alors fermé de façon automatique. Autrement, je le conserve.

En procédant ainsi, le négociateur actif obtient, d’une part, un profil rendement-risque asymétrique, car le potentiel de gain est supérieur (le cours d’une action peut monter à l’infini) au risque de perte financière (la perte théorique maximale est la différence entre le coût d’acquisition et le prix de son ordre de vente stop). D’autre part, il admet que les pertes financières sont inévitables, étant donné le caractère incertain et aléatoire des marchés boursiers (par exemple, la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine, l’attentat de Manchester, la débâcle boursière des actions de Home Capital Group et d’Aimia), ce qui lui permet de préserver son énergie mentale et de réduire son niveau de stress, des conditions sine qua non pour maintenir une constante dans les résultats à long terme.

Évidemment, tout négociateur actif souhaite obtenir un rendement positif, ce qui est tout à fait normal. Malheureusement, la communauté financière émet principalement des recommandations pour l’achat d’actions et néglige la gestion adéquate des positions en portefeuille, surtout lorsque celles-ci affichent une perte non réalisée. Je vous invite donc à accorder autant d’importance à la gestion du risque qu’à la sélection de titres, sans quoi votre performance sera aussi aléatoire qu’une joute de pile ou face…

Source :

  • Daniel Kahneman et Amos Tversky. Prospect Theory: An Analysis of Decision under Risk, Econometrica 47:2, 1979, 263-291.
  • Jason Zweig. Your Money and Your Brain: How the New Science of Neuroeconomics Can Help Make You Rich, Simon & Shuster, 2007.
  • Terrance Odean. Are Investors Reluctant to Realize Their Losses? The Journal of Finance, Volume LIII, no 5, octobre 1998.