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Nouveau regard sur les opérations de couverture

Une décision publiée dans la semaine du 21 février jette un nouveau regard sur l’imposition des transactions ayant trait à des produits dérivés. En effet, pour protéger leur portefeuille, certains investisseurs mettent en branle des stratégies qui y ont recours (option de vente d’actions, option d’achat d’actions, etc.). Comment seront imposés les profits et les pertes résultant de la vente et de l’acquisition de produits dérivés ? Comment les transactions de protection et de détention des actions interagissent-elles ?

L’interprétation des autorités fiscales

Jusqu’à présent, l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») était d’avis que les profits ou les pertes résultant de telles transactions étaient de nature spéculative, à moins de pouvoir démontrer qu’une opération de couverture était en cause. Rappelons que le profit issu d’une transaction spéculative est pleinement imposable : 100 % du profit doivent être ajoutés au revenu du contribuable, contrairement au gain en capital, dont seulement 50 % sont imposables.

Les lois fiscales ne définissent pas ce qu’est une opération de couverture. Les tribunaux ont développé ce concept au cours des dernières années. À la lumière de nombreuses décisions les tribunaux, l’ARC a d'abord reconnu que la détention d’un produit dérivé fera partie d’une opération de couverture s’il y a une concordance suffisante entre le produit dérivé et l’opération sous-jacente. L’ARC a toutefois précisé que, pour qu’il y ait une concordance suffisante, le montant et l’échéance du produit dérivé doivent généralement correspondre au montant et à l’échéance de l’opération sous-jacente (sans qu’il soit nécessaire d’avoir une concordance parfaite).

La position de l’ARC soulève plusieurs problématiques. Tout d’abord, l’ARC indique qu’il ne peut y avoir d’opération de couverture sans « transaction » sous-jacente, en l’occurrence la vente d’actions. Or, plusieurs stratégies de couverture visent à couvrir des risques liés à la détention d’actifs plutôt qu'à la réalisation d’une transaction. Pour de nombreux investisseurs, il est alors impossible de bénéficier du traitement fiscal avantageux des opérations de couverture, car, dans de nombreuses circonstances, les actions n’ont pas été vendues.

La décision George Weston Ltd

L’intérêt de la décision George Weston Limited1 rendue par la Cour canadienne de l’impôt réside dans l’analyse qu’a faite le juge de l’imposition des transactions de couverture et des nouvelles circonstances dans lesquelles ce concept devrait s’appliquer.

Les faits qui constituent l’affaire George Weston n’ont aucun lien avec la façon dont un épargnant gère ses actifs en vue de la retraite. Toutefois, cette décision nous permet de dégager des principes d’analyse qui, d’après ce que nous comprenons, sont applicables à l’ensemble des contribuables.

Ainsi, contrairement à la position de l’ARC et selon les motifs de l’affaire George Weston, il n’est pas nécessaire qu’une transaction soit en cause pour bénéficier d’une opération de couverture. Par conséquent, un contribuable pourrait conserver ses titres boursiers tout en effectuant des opérations de couverture successives. C’est là une excellente nouvelle, car la vente des titres n’est plus nécessaire, et l’investisseur pourra adapter ses stratégies de couverture en fonction du contexte économique et du risque qu’il détermine.

Pour bénéficier du traitement avantageux des opérations de couverture, le contribuable devra toutefois démontrer que les titres boursiers qu’il détient sont du capital et que les transactions de couverture réalisées avaient pour but de préserver ce capital et de le protéger contre certains risques du marché qu’il avait identifiés. Ceci est une question de fait, et le contribuable qui souhaite bénéficier du traitement fiscal des opérations de couverture devra étayer son dossier adéquatement.

Finalement, pour bénéficier de ce traitement fiscal, le contribuable ne devra pas être un spéculateur sur titres et, encore une fois, il devra en faire la démonstration. À cet égard, pour vérifier si des transactions de spéculation sont en cause, on peut consulter le bulletin d’interprétation IT-479 au lien suivant : http://www.cra-arc.gc.ca/F/pub/tp/it479r/it479r-f.html. À notre avis, certains spéculateurs sur titres pourront tout de même se prévaloir du traitement fiscal des opérations de couverture pour la partie de leur portefeuille qui constitue du capital, si des intentions distinctes peuvent clairement être démontrées quant à la détention des titres.

Conclusion

Dans le domaine de la fiscalité, les bonnes nouvelles sont rares, surtout en cette période d’austérité. Les investisseurs peuvent donc accueillir avec joie cette bonne décision, car elle aura certainement pour conséquence de réduire leur fardeau fiscal.

1 Pour consulter cette décision : http://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/en/item/108150/index.do.

La base et les différents paliers d'imposition pouvant varier, toute référence du présent article qui fait mention de l'incidence fiscale ne doit pas être interprétée comme étant un avis fiscal; comme pour toute transaction ayant des incidences fiscales éventuelles, le client est invité à consulter son conseiller fiscal.