Toutes les notions

Le placement axé sur la croissance

À la fin des années 1990, lorsque les sociétés spécialisées dans la technologie étaient florissantes, les techniques de placement axées sur la croissance ont permis aux investisseurs d'obtenir des rendements sans précédent. Toutefois, avant de suivre le mouvement, l'investisseur devrait se rendre compte que cette stratégie comporte des risques substantiels et qu'elle ne convient pas à tout le monde.

Comparaison entre la valeur et la croissance

La meilleure façon de définir le placement axé sur la croissance est de le comparer au placement axé sur la valeur. Les investisseurs axés sur la valeur s'intéressent seulement aux conditions présentes; ils recherchent des actions qui, pour l'instant, se négocient à un prix inférieur à leur valeur apparente. Les investisseurs axés sur la croissance, au contraire, se concentrent sur le potentiel d'une entreprise et attachent moins d'importance au prix courant. À la différence des investisseurs axés sur la valeur, les investisseurs axés sur la croissance peuvent acheter des actions dont le prix est supérieur à la valeur intrinsèque courante, s'ils estiment que celle-ci augmentera et dépassera l'évaluation actuelle.

Comme le nom le suggère, les actions de croissance sont celles d'entreprises ayant une croissance beaucoup plus élevée que les autres. Les investisseurs axés sur la croissance s'intéressent donc en premier lieu aux jeunes entreprises. La théorie est que la croissance du bénéfice et/ou du chiffre d'affaires se traduira directement en une hausse du prix des actions. L'investisseur axé sur la croissance cherche généralement à faire des placements dans des secteurs d'activité en expansion rapide, particulièrement ceux qui sont associés à la nouvelle technologie. Le profit provient des gains en capital et non des dividendes, car presque toutes les sociétés de croissance réinvestissent leurs bénéfices et ne versent pas de dividendes.

Il n'y a pas de formule magique

Les investisseurs axés sur la croissance s'intéressent au potentiel de croissance des entreprises, mais il n'y a pas de formule absolue pour évaluer ce potentiel. N'importe quelle méthode de sélection des actions de croissance (ou de n'importe quelle sorte d'action) exige une interprétation et un jugement de la part de l'investisseur. Les investisseurs axés sur la croissance emploient certaines méthodes - ou une série de lignes directrices ou de critères - comme cadres d'analyse, mais on doit appliquer ces méthodes en tenant compte de la situation particulière de l'entreprise étudiée. Plus précisément, l'investisseur doit examiner le rendement antérieur de l'entreprise et le rendement de son secteur d'activité. L'application d'une ligne directrice ou d'un critère peut donc changer d'une entreprise à une autre et d'un secteur d'activité à un autre.

La NAIC

La National Association of Investors Corporation (NAIC) est l'une des organisations les plus connues parmi celles qui appliquent et enseignent des stratégies de placement axées sur la croissance. Comme le proclame son site Web, elle est « un gros club de placement » dont le but est de montrer aux investisseurs comment effectuer des placements judicieux. La NAIC a élaboré des lignes directrices de base « universelles » pour trouver des sociétés de croissance éventuelles. Voici certaines des questions que la NAIC suggère de se poser lorsqu'on envisage d'acheter des actions.

  1. Forte croissance historique des bénéfices?

    Selon la NAIC, la première question qu'un investisseur axé sur la croissance devrait se poser est : les revenus annuels de la compagnie affichent-ils une croissance au fil des ans? Le tableau ci-dessous donne un aperçu, non scientifique, du taux de croissance du bénéfice par action auquel un investisseur devrait s'attendre d'une compagnie, en fonction de la taille de celle-ci (cette mesure lui permet de se faire une idée du potentiel de croissance de son investissement):

    Taille de la compagnie Taux de croissance minimum (5 dernières années)
     > 4G$ 5 %
     > 400M$ > 4G$ 7 %
     < 400M$ 12 %

    Même si la NAIC suggère que les sociétés devraient avoir obtenu une croissance du BPA de ce genre pendant au moins les 5 dernières années, une telle croissance sur une période de 10 ans est encore plus attrayante. L'idée fondamentale est que, si une entreprise a connu une croissance solide (selon les critères définis dans le tableau ci dessus) lors des 5 à 10 dernières années, elle continuera probablement de le faire dans les 5 à 10 prochaines années.

  2. Forte croissance future du bénéfice?

    Le deuxième critère fixé par la NAIC est un taux de croissance projeté sur cinq ans d'au moins 10-12 %, quoique 15 % ou plus soit idéal. Ces projections sont effectuées par des analystes, l'entreprise elle-même ou d'autres sources crédibles.

    Le principal problème soulevé par les estimations de la croissance future est que ce sont justement des estimations. Lorsqu'un investisseur axé sur la croissance aperçoit une projection de croissance idéale, il doit, avant de s'y fier, évaluer sa crédibilité. Cela exige une connaissance des taux de croissance normaux des entreprises de différente taille. Par exemple, une société établie à forte capitalisation ne peut croître aussi rapidement qu'une jeune compagnie à faible capitalisation spécialisée dans la technologie. En outre, quand l'investisseur évalue les estimations qui font consensus parmi les analystes, il doit étudier le secteur d'activité de l'entreprise, plus précisément, ses perspectives et l'étape de croissance où il est rendu.

  3. La direction contrôle-t-elle les coûts et les revenus?

    La troisième balise établie par la NAIC concerne le ratio de marge bénéficiaire avant impôt. On connaît nombre d'exemples de sociétés dont les ventes croissent de façon stupéfiante, mais dont la progression du bénéfice est beaucoup plus modeste. Une croissance élevée du chiffre d'affaires est une bonne chose, mais si le BPA n'augmente pas dans la même proportion, cela est probablement dû à une baisse du ratio de la marge bénéficiaire. 

    En comparant le ratio de la marge bénéficiaire courant avec les ratios antérieurs de l'entreprise et ceux des concurrents, l'investisseur axé sur la croissance est en mesure d'évaluer de manière juste et précise si la direction contrôle les coûts et les revenus et maintient sa marge. Voici une bonne recette empirique : si le ratio de marge bénéficiaire actuel est supérieur au ratio moyen des cinq dernières années de l'entreprise et du secteur d'activité dans son ensemble, l'entreprise est un bon candidat à la croissance.

  4. La direction peut-elle gérer l'entreprise de manière efficiente?

    On peut quantifier l'efficience par le rendement des capitaux propres. Une utilisation efficiente de l'actif devrait se traduire par un rendement stable ou croissant des capitaux propres. Cette mesure devrait également être analysée de manière relative : le mieux est de comparer le rendement actuel des capitaux propres au rendement moyen en cinq ans de l'entreprise et du secteur d'activité.

  5. Le prix de l'action peut-il doubler en cinq ans?

    S'il est irréaliste qu'un titre double de valeur en cinq ans, ce n'est probablement pas une action de croissance. Cela peut sembler un objectif trop élevé, un critère inatteignable, mais n'oubliez pas qu'avec un taux de croissance de 10 %, le cours d'une action double en sept ans. Le taux de croissance recherché par les investisseurs axés sur la croissance est donc de 15 % par année, ce qui permet de doubler le prix du titre en cinq ans.

Exemple

Maintenant que nous avons décrit les critères de base de la NAIC permettant d'évaluer les actions de croissance, nous allons démontrer comment les utiliser pour analyser une société, en nous servant des chiffres de 2003 de Microsoft, à titre d'exemple. Aux fins de cette démonstration, nous examinerons ces données comme s'il s'agissait des chiffres les plus récents de Microsoft (c'est-à-dire, les « données courantes »).

  1. Bénéfices sur cinq ans

    • La croissance annuelle moyenne des ventes sur cinq ans est de 15,94 %.
    • Lacroissance annuelle moyenne du BPA sur cinq ans est de 10,91 %.

    Ces deux chiffres sont très élevés. La croissance annuelle du BPA est nettement au-dessus de la norme de 5 % que la NAIC a fixée pour les firmes de la taille de Microsoft.

  2. Forte croissance projetée du bénéfice

    La croissance annuelle moyenne projetée du bénéfice sur cinq ans est de 11,03 %.

    Le schéma de croissance projetée du bénéfice est fort, mais pas exceptionnel.

  3. Contrôle des coûts et des revenus

    • La marge avant impôt durant l'exercice le plus récent est de 45,80 %.
    • La marge avant impôt moyenne sur cinq ans est de 50,88 %.
    • La marge avant impôt moyenne sur cinq ans du secteur d'activité est de 26,7 %.

    Il y a deux façons d'interpréter ces chiffres. La tendance est une baisse de 5,08 % (50,88 % - 45,80 %) par rapport à la moyenne sur 5 ans, ce qui est défavorable. Soulignons cependant que la marge moyenne du secteur est de seulement 26,7 %. Ainsi, même si la marge de Microsoft a diminué, elle est encore largement supérieure à celle de son secteur d'activité.

  4. Rendement des capitaux propres

    • Le rendement des capitaux propres durant l'exercice le plus récent est de 16,40 %.
    • Le rendement moyen sur cinq ans est de 19,80 %.
    • Le rendement moyens des capitaux propres du secteur d'activité est de 13,60 %.

    Encore une fois, le fait que le rendement des capitaux propres courant est un peu plus bas que le rendement moyen sur cinq ans est préoccupant. Toutefois, à l'instar du ratio de marge bénéficiaire de Microsoft, le rendement des capitaux propres n'a pas diminué considérablement; il n'a reculé que de quelques points et se situe encore bien au-dessus de la moyenne du secteur d'activité.

  5. Possibilité de doublement en cinq ans 

    Une hausse de 254,7 % du prix de l'action est projetée

    Selon les projections moyennes des analystes, l'action de Microsoft fera plus que doubler de valeur en cinq ans : elle atteindra 254,7 % de sa valeur présente.

Microsoft est-elle une action de croissance?

Sur papier, Microsoft remplit plusieurs critères de la NAIC caractérisant les actions de croissance, mais elle ne satisfait pas à d'autres. Si, par exemple, on rejetait Microsoft à cause de la tendance à la baisse de ses ratios de marge bénéficiaire, sans les comparer à ceux du secteur d'activité, on négligerait les conditions du secteur d'activité dans lesquelles Microsoft fonctionne. D'un autre côté, lorsqu'on compare Microsoft à son secteur d'activité, il reste à déterminer si le fait que les marges de Microsoft sont supérieures à la moyenne est révélateur. Microsoft est-elle une bonne action de croissance, même si son secteur est mature et qu'il fait face à une diminution du ratio de la marge bénéficiaire? Une entreprise de sa taille peut-elle trouver suffisamment de nouveaux marchés pour maintenir son rythme d'expansion?

Les deux côtés ont clairement des arguments en leur faveur et il n'y a pas de " bonne " réponse à cette question. Ces critères ouvrent cependant la porte à une analyse plus poussée qui permet de mieux comprendre la situation de l'entreprise. Comme aucun ensemble de critères n'est infaillible, l'investisseur axé sur la croissance peut adapter ses lignes directrices en ajoutant (ou en supprimant) des critères. Même si nous avons établi cinq questions élémentaires, il importe de noter que l'exemple a seulement pour but de fournir un point de départ à partir duquel vous pouvez élaborer vos propres paramètres de sélection des actions de croissance.

Conclusion
La conclusion n'est pas compliquée : les investisseurs axés sur la croissance s'intéressent à la croissance. Le principe directeur du placement axé sur la valeur est la recherche d'entreprises qui ne cessent de réinvestir leurs bénéfices afin de mettre au point de nouveaux produits et de nouvelles technologies. Même si le prix courant des actions peut être élevé, les investisseurs axés sur la croissance estiment que, grâce à la tendance à la hausse de l'encaisse et du résultat net, le placement portera fruit à long terme.

Voir aussi

« Top-down » ou « bottom-up »